Léontine Furcy
Artiste céramiste, se raconte en formes, textures, courbes, asymétries, épures. Chacune des pièces est une réalisation unique et instinctive guidée par la matière à la recherche d’une forme libre sculpturale, une évidence. La terre est le vecteur de l’exploration de son monde intérieur, et ses créations la multitude de ce qui la compose. En effet, c’est un travail sans fin, qui aspire à se trouver sans définir, s’accepter sans se juger, s’abandonner dans le lâcher-prise et se libérer des dictates de la beauté uniformes et rationalisées, celle que l’on véhicule comme la vérité du beau partout.
« Il n’y a pas de beauté parfaite, qu’une certaine singularité des proportions » – Edgard Poe
Marion, vous êtes la créatrice de Léontine Furcy . Quel est votre parcours ?
J’ai eu une longue vie ! Avant d’être céramiste, j’ai débuté dans l’audiovisuel et le cinéma à la mise en scène puis à la déco. Après, quelques années j’ai fait de la scénographie pour des entreprises, mais j’avais besoin d’avoir “un geste” sur les choses que je voulais créer. J’avais besoin du toucher alors je suis allée chercher la matière, la terre. J’avais déjà travaillé les métaux, mais je ressentais le besoin de quelque chose de plus doux. La terre est accessible, il y a une ondulation quand on la modèle, quelque chose de rond, une courbe, ça en devient hypnotique parfois ! Elle recentre, elle prend qui je suis. Avec elle je dois lâcher prise, me laisser guider, accepter de laisser les choses se faire. C’est un dialogue.
Qu’est -ce qui vous plait dans les collections de Valentine Gauthier?
J’ai découvert Valentine quand elle avait sa première boutique. J’aime ses matières sensuelles et ses coupes structurées qui sont aussi très féminines. Je me retrouve dans cette complémentarité. Mais c’est surtout sa personnalité qui me séduit : elle est instinctive et entière. Nous avons un point commun, les lignes, que je peux comparer au premier geste qui conduit mon travail.
Vous portez des couleurs ?
Je les aime toutes, cela dépend de mon humeur. En ce moment j’aime le violet. Mes choix vont plutôt vers l’uni, mais mon intérêt se porte surtout sur les matières, j’aime particulièrement le velours. Je n’achète jamais sur internet car je ne peux ni toucher ni essayer. Mon sens du touché est très développé et suis très sensorielle et sensible aux matières nobles qu’utilisent Valentine.
Quel est votre rapport à la mode?
Je regarde ce qui se fait mais je ne suis pas obsédée et surtout je m’adapte en fonction de mes moyens. Je perçois le monde au travers de mes émotions alors je ne me contrains pas avec le paraitre. Je ne me cache pas derrière une tenue. Un vêtement participe certainement à l’identité, mais il peut aussi être un leurre, un costume derrière lequel on se cache. De toute façon je m’apprête de moins en moins car mon travail à l’atelier est salissant ! J’ai des tenues d’atelier pourtant j’aime m’habiller. L’idéal sont les vêtements qui passent de la journée au soir avec juste l’aide d’un accessoire. Je ne suis pas du genre si je sors le soir à enfiler mon costume à paillettes !
Croyez-vous, vous aussi, que rien ne sera plus comme avant ?
Je ne suis pas sûre, il va y avoir certainement une évolution mais nous sommes résiliants, nous nous adaptons très vite au changement. J’imagine qu’il y aura une évolution que notre approche sera différente, mais dans le fond je ne pense pas que nous changerons tant que ça. Par contre la situation actuelle que nous subissons permet aux gens de se repositionner, d’épurer, de réfléchir, de se recentrer. Chacun reprend son rythme
Dans le fameux monde d’après, de quel élément du monde d’avant ne pourriez-vous pas vous passer ?
Des lieux de rencontres : humains, épicuriens et culturels qui permettent la surprise et la découverte. Des lieux qui nous nourrissent intellectuellement, nous rendent plus large, nous rapprochent de l’autre.
Regardez-vous systématiquement le made in d’un vêtement ou d’un accessoire ? Êtes-vous sensible aux démarches d’upcycling ?
Aujourd’hui on se rend compte qu’on a tous dans notre placard des trucs qui peuvent resservir. J’ai un rapport coup de cœur aux vêtements Je peux acheter une pièce qui me plait sans avoir l’argent. Quand j’aime une pièce, je la porte jusqu’à usure, voire je l’achète en double ! J’aime les fripes que je mélange avec des pièces actuelles et j’achète à des amis qui vendent du vintage. Pour les objets j’aime ceux qui racontent une histoire, donc je préfère acheter des choses qui ont vécu plutôt que d’aller chez Ikéa. Bien sûr il m’arrive de craquer sur un bel objet de designer !
Et la démarche de Valentine ?
La démarche écologique de Valentine me touche, dans ma façon de consommer c’est un indicateur, mais surtout elle incarne sa marque. Elle n’a pas une démarche de chef d ‘entreprise classique, elle est riche de sa création, elle veut partager et on sent qu’elle est attentive aux produits qu’elle vend aux clients. On sent qu’elle n’abuse pas commercialement de ses choix éthiques. D’ailleurs si on veut que le monde change il faut qu’il y ait une conscience du consommateur mais aussi des créateurs et des faiseurs. Nous les consommateurs nous sommes prêts à payer plus cher que la fast-fashion mais nous savons pourquoi, en face les créateurs doivent rester accessibles et ne pas abuser de cette étiquette !